Discours du Dies Academicus 2020

Madame la Rectrice,
Madame la Vice-Rectrice et Messieurs les Vice-Recteurs,
Madame la Conseillère d’État,
Mesdames et messieurs en vos titres et fonctions,

Mais surtout,
Chères étudiantes, chers étudiants,

« Science et résilience » est donc le thème de ce Dies, qui propose d’aborder la manière dont l’université a su s’adapter à l’épidémie et à cette crise. Alors regardons cette adaptation de plus près. Les cours en présentiel se sont transformés, dans le meilleur des cas, en discussion par vidéoconférence et, dans le pire, en monologues enregistrés. Les examens, eux, ont été plus ou moins adaptés à la situation ou simplement repoussés en août pour garantir leurs sélectivités. Tout ceci en essayant de garantir la continuité de la recherche académique, si chère aux yeux de l’institution.

Il est certain que le travail nécessaire pour réussir à transformer cette si grande et ancienne académie a été un défi gigantesque pour les centaines de collaboratrices et collaborateurs, que nous remercions. Mais qu’en est-il de la résilience des étudiantes et étudiants ? Celles et ceux qui doivent suivre ces cours en ligne, rendre des rapports, réviser pour leurs examens, celles et ceux qu’on oublie un peu, en particulier durant ces temps où la survie de l’institution est plus importante que tout.

Car oui, nous nous sommes sentis oubliés. Alors, pour se remémorer ou, pour certaines et certains, découvrir ce que c’est d’étudier en temps de crise, laissez-moi essayer de vous en proposer un aperçu.

Essayer, car il est difficile de trouver les mots pour parler de cette année qui, pour beaucoup, n’est pas encore terminée. Tant a changé, tant a été chamboulé, pour nous toutes et tous que réussir à faire un discours exhaustif et représentatif est impossible. Il existe autant de vécus et de situations personnelles que de personnes qui composent la communauté académique. Mais ce qui est clair, c’est qu’aucun de ces vécus ne peut se résumer à cette phrase que j’entends encore bien trop souvent : « mais finalement, ce confinement, ce n’était pas si terrible que ça ».

Chères étudiantes, chers étudiants, mesdames et messieurs qui observez à distance la communauté académique, je vous invite à balayer cette idée de votre esprit, car ce confinement n’était ni des vacances, ni un semestre allégé. Cette crise a bouleversé les vies de toutes et tous, et la communauté estudiantine n’a de loin pas été épargnée.

Car comment s’adapter, rebondire, bref, comment être résilient, sans stabilité financière, sans informations sur les modalités de validation d’un cours, sans outils informatiques suffisants et sans espace de travail adapté pour étudier.

Lorsque la fermeture du campus a été annoncée, la première réaction a été d’adapter au plus vite l’enseignement, pour maintenir à tout prix la valeur des diplômes et l’image de cette institution. Si certes l’enseignement est une des missions principales de l’Université, comment penser enseignements sans penser à celles et ceux qui doivent les suivre ? Car ne pas savoir comment vont être donnés certains cours semble bien peu important lorsque, du jour au lendemain, nous nous retrouvons potentiellement sans travail et sans revenu. Et les appels à l’aide furent nombreux. En réaction à cette conséquence immédiate du confinement et grâce à un élan de solidarité de nombreuses associations, nous avons créé un fond d’urgence, qui offre aux étudiantes et étudiants dans des situations de détresses financière une aide, petite, mais une aide malgré tout. Face à l’afflux de demande, les services sociaux de l’Unil ont finalement réagi, en offrant des bourses et des aides bien plus importante que ce que nous pouvions faire. Grâce à cela, beaucoup d’étudiantes et d’étudiants ont pu garder la tête hors de l’eau pendant ces trois derniers mois. Mais qu’en sera-t-il demain ?

Soyons clairs, si l’université a un devoir de protection et d’aide envers ses membres les plus précaires, c’est à l’État qu’incombe cette mission fondamentale. Car si les conséquences directes du confinement ont été pour le moment absorbées, il est du devoir du canton de reprendre la main et d’anticiper les retombées à venir. Il est donc essentiel de garantir un système social accessible, réactif et avec les ressources humaines et financières suffisantes pour répondre justement et rapidement aux difficultés de sa population. Il faut également soutenir plus encore le système de bourses d’études, obligatoire pour garantir l’accès aux études à toutes et tous et s’assurer que les critères d’octrois prennent en compte la situation exceptionnelle.

En plus des problématiques financières liées à la crise s’ajoutent la mise en place de cours en ligne et l’obligation de les suivre depuis chez soi. Mais comment suivre des cours en ligne sans des outils et un espace de travail adapté ? Tout le monde ne dispose pas d’un ordinateur moderne avec une connexion internet suffisamment puissante et stable, pour réussir à étudier. Et c’est sans même parler de l’importance de disposer d’un cadre calme. Beaucoup d’entre nous n’ont pas à accès à un espace séparé et adapté pour suivre ces cours et réviser, ajoutant des difficultés supplémentaires sur une tranche de la population qui n’a déjà pas les mêmes accès aux études supérieures. Ne l’oublions pas, au sein de la communauté estudiantine comme au travers de la population en générale, ce sont les classes les plus pauvres de notre société qui en ont le plus souffert.

Voici quelques raisons qui démontrent bien que non, ce confinement n’était pas une partie de plaisir pour beaucoup d’étudiantes et d’étudiants. Et cela dépasse les frontières du campus de l’Unil. La situation est similaire partout, dans les HES, pour les apprenties et apprentis, gymnasiennes et gymnasiens. La globalité du problème souligne plus encore l’importance d’une action cohérente au niveau cantonal. Et cette action ne doit pas se décider seul, bien au contraire. Il faut consulter les étudiantes et étudiants, et pour ce faire, appeler les gymnases, les écoles professionnelles et les HES à constituer des associations représentatives, politisées et défendant les intérêts de leurs communautés.

Car, collègues universitaires, n’oublions pas qu’en terme de représentativité, nous sommes privilégiés. Chaque faculté et école dispose d’une association représentative, consultée et écoutée, en particulier en temps de crise. Sans oublier les syndicats et les autres associations, qui ont su se mobiliser pour défendre et faire valoir les droits de toutes et tous. Alors mobilisons-nous et engageons-nous plus encore pour garantir que notre avis soit plus que simplement consultatif.

Enfin, lorsque nous reviendrons sur ce campus, n’oublions pas ce qui lui donne vie : les nombreuses associations, qui ont vu leurs projets s’annuler, leurs activités diminuées et leurs renouvellements s’essouffler.

Chères étudiantes, chers étudiants, pour terminer, je vous souhaite beaucoup de courage pour cet été et pour les semestres à venir qui s’annoncent difficiles. Il nous faudra à l’avenir continuer à travailler ensemble, l’entraide devenant plus essentielle que jamais. Les semestres qui suivront cette crise seront différents, plus compliqués, au niveau des études comme au niveau des budgets. Il sera donc nécessaire que la communauté universitaire continue à être solidaire, comme elle l’a été durant ces derniers mois.

Cette crise en a fait souffrir beaucoup et ses conséquences se poursuivront encore longtemps, tout en nous donnant l’opportunité de faire mieux, ensemble. Durant ces derniers mois, nous nous sommes engagés, mobilisés et entraidés, en mettant parfois nos études en péril. Alors n’oublions pas ce que cette crise nous a enseigné : ensemble, nous sommes entendus.

Discours prononcé par David Raccaud, co-président, à retrouver en vidéo ici :
https://wp.unil.ch/diesacademicus/david-raccaud/